L’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse. » Ce proverbe résume assez bien le faible intérêt politique porté aux questions forestières par l’Union européenne ou l’ONU, encore récemment à Poznan et à Bruxelles ces derniers jours.
Soulignant le rôle vital des forêts qui stockent le CO2 dans la limitation du changement climatique et la réduction des gaz à effet de serre (GES), la Commission a annoncé la mise en œuvre d’un mécanisme mondial pour le carbone forestier (Global Forest Carbon Mechanism, GFCM). L’objectif est de récompenser par une aide financière les pays en développement qui réduiraient leurs émissions de GES en luttant contre la déforestation et la dégradation des forêts. La déforestation, de l’ordre de 13 millions d’hectares par an, serait la source de 20 % des rejets de CO2 dans l’atmosphère.
Cette situation était déjà connue lors des négociations des accords de Kyoto en 1997, accords qui ont totalement marginalisé le rôle des forêts et exclu le bois, seul matériau qui stocke le CO2 et qui est naturellement renouvelable. Pourquoi alors ne pas avoir retenu à l’époque une procédure incitative pour le reboisement avec un prix pour le CO2 stocké dans le bois afin de donner une valeur à la forêt et ainsi encourager (rentabiliser) la gestion forestière, donc la protection des forêts primaires.
Au lieu de quoi, dix ans plus tard, la Commission propose un système qui s’apparente à celui de la « prime au cancre » en finançant les pays qui jusqu’à maintenant n’ont rien fait pour empêcher la déforestation.
Rappelons, de surcroît, que l’Union européenne n’a pas souhaité intégrer les forêts européennes dans les procédures de crédit carbone et le Parlement européen vient de rejeter tous les amendements à cet effet. C’est donc seulement quand la forêt disparaît que le monde politique pleure sur elle.
Autre exemple lié aussi à la déforestation, le trafic illégal des bois. Pour les mêmes raisons, la Commission veut renforcer le contrôle sur l’origine de ces bois coupés illégalement (procédure FLEGT) et souhaite instituer un règlement appliqué à tous les bois vendus et négociés dans l’Union européenne. Or nous nous souvenons, à la suite du sommet de Rio en 1990, que les ONG avec les mêmes discours, les mêmes arguments, les mêmes raisons ont lancé le processus de certification de la gestion durable des forêts pour protéger les forêts tropicales, lutter contre la déforestation et l’abattage illégal des bois. Aujourd’hui, en pratique, ce système s’applique dans les forêts « occidentales » et les propriétaires forestiers européens paient la certification d’une gestion qui était déjà réglementée.
Est-il vraiment utile de pénaliser encore plus le propriétaire forestier européen parce qu’il est identifiable ? Il subirait alors le contraire du principe pollueur-payeur ! N’est-ce pas un mauvais moyen pour la Commission de s’offrir une bonne conscience politique sur le dos des forestiers en Europe ?
Bien sûr, nous sommes tous d’accord pour agir contre la déforestation et le trafic illégal des bois qui pénalisent tout le monde et particulièrement les forestiers. C’est une question d’intérêt général planétaire. Encore faut-il affronter avec le courage politique nécessaire les vraies causes qui sont archiconnues : la pauvreté et l’absence de propriété. La première est longuement débattue dans les enceintes internationales. Quant à la seconde, elle est le plus souvent occultée alors qu’elle est la clef pour diminuer la pauvreté efficacement. En effet, il faut avoir le courage de dire que la déforestation s’effectue dans les forêts « publiques », c’est-à-dire dans les Etats dont le régime de propriété est indéfini, où les forêts appartiennent à tout le monde, c’est-à-dire à personne de responsable. Et l’abattage illégal des bois continuera faute de trouver un responsable (le propriétaire-vendeur des bois) : car un Etat souverain ne peut être déclaré responsable d’une telle situation, qui, si elle existait, le serait forcément « à son insu », et il s’engagera à trouver et à punir les coupables… Comme de bien entendu !
Une fois de plus, et malgré les déclarations signalant tous les rôles positifs de la forêt et du bois, ceux-ci n’ont pas été retenus et valorisés ni à Poznan ni dans le paquet climat de l’Union européenne. Or on ne protège que ce qui a de la valeur.

Dans LES ECHOS vendredi 2 et samedi 3 janvier 2009