Du 17 au 20 octobre 2023, la 4ème édition du congrès Woodrise a permis à ses 4000 participants d’échanger et de partager des connaissances au sujet de la construction bois. Les sessions plénières ont eu pour thèmes :

  • Décarboner le bâtiment et la ville avec le bois ;
  • Favoriser la compétitivité de la construction bois ;
  • Projets de construction bois de moyenne et grande hauteur du monde entier.

Le pôle Ressources Forestières des Territoires a contribué à cet évènement en proposant un atelier portant sur le rôle à venir des forêts de plantations pour la fourniture de ressources utilisées dans la construction à l’échelle internationale.

Situation française

Stéphane Viéban, président de FCBA et directeur d’Alliance Forêt Bois, a introduit cet atelier en interrogeant sur le fond : doit-on adapter les ressources forestières aux besoins de l’industrie, ou adapter les produits à la ressource forestière ? La France, comme d’autres pays, fait face aux demandes contradictoires d’une forêt majoritairement en feuillus et de produits issus de résineux. Actuellement, les feuillus couvrent 72 % de la surface forestière française mais ne représentent que 24 % du volume de bois d’œuvre récolté et 17 % des sciages. En 2021, les forêts de plantations ont été à l’origine de 60 % du bois d’œuvre récolté.

La Stratégie Nationale Bas Carbone définit en France une trajectoire de réduction des gaz à effet de serre dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’utilisation de bois français, ayant une emprunte carbone 15 à 25 % moindre que les produits importés, serait un des moyens d’y parvenir. Par ailleurs, la nouvelle norme RE2020[1] oblige les architectes à être plus attentifs à l’empreinte carbone et à l’origine des matières premières et souhaitent désormais accès aux matériaux en circuits courts. Jean-Denis Forterre, de la FNB, a présenté pour Jérôme Martinez le Label Bois de France certifiant le bois issu des forêts françaises et leur transformation sur le territoire. La filière française a encore besoin d’augmenter ses capacités de transformations et la qualité de ses sciages.

Les transformateurs doivent aujourd’hui intégrer dans leurs process des bois issus de peuplements dépérissants. Les changements climatiques qui en sont à l’origine compliquent la gestion sylvicole appliquée aux épicéas dans le Morvan ou encore aux hêtres et chênes de Picardie ou de Haute-Marne. Ces cas d’étude, proposés en exemples par Jean-François Dhôte de l’INRAe, soulignent la nécessité d’accélérer les renouvellements forestiers et de raccourcir les rotations pour limiter les risques de dégâts massifs. Les forêts doivent être adaptées aux climats futurs en augmentant le potentiel adaptatif des différentes essences et en renouvelant les méthodes d’aménagement forestier en incluant la diversité des essences, ce qui complique l’approvisionnement de l’industrie.


[1]     https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-environnementale-re2020

Figure 1 : Dépérissement de chênes en Picardie (Photo J. Jaminon)

En Scandinavie

En Finlande et en Suède, l’adaptation aux changements climatiques passera par une augmentation de la proportion d’espèces de pins, surtout dans le nord de la Suède dominé par la production d’épicéas. Dans ces pays, la foresterie et sa mécanisation se sont largement développées dans les années 1950. Annika Nordin, de Stora Enso, mentionne de nouvelles mesures de protection de la biodiversité, de la ripisylve et une tendance à la diminution de la taille des coupes rases. Ces nouvelles modalités de gestion nécessitent souvent l’apport d’aides financières aux propriétaires.

En Nouvelle-Zélande

Le taux de boisement de la Nouvelle-Zélande a été le plus important dans les années 1990 en raison du prix élevé du bois. La surface plantée annuellement s’est ensuite effondrée avant de redémarrer au cours des 5 dernières années. Le pin radiata a été la première essence plantée et elle représente aujourd’hui 90 % de la forêt de plantation néo-zélandaise avec une rotation à 28 ans. La Nouvelle-Zélande a le second plus fort volume de bois rond produit par habitant au monde après la Finlande. L’île Centrale Nord concentre 32 % de la forêt de production en surface.

Henri Baillères a présenté les thématiques de recherche de Scion intégrant l’ensemble de la filière : sylviculture, bois, matériaux dérivés du bois et autres biomatériaux. La Nouvelle-Zélande se dirige vers une augmentation de la production de bois transformé et un export de produits à plus forte valeur ajoutée. Cette stratégie nécessitera davantage d’investissements industriels et une hausse de la surface de forêt plantée.

Au Japon

La surface forestière japonaise est en augmentation mais ce pays importe de plus en plus de bois d’œuvre pour sa consommation. Selon Yuuko Iizuka, de Sumitomo Forestry, la forêt japonaise est exploitée mais manque d’entretien en raison du coût de la main d’œuvre et du manque d’investissements suites aux typhons. La moitié de la forêt a plus de 50 ans et les évènements climatiques pluvieux constituent le principal risque. La productivité a été améliorée avec des plantations de cryptomeria mais une partie de la population y est allergique, celui-ci provocant un rhume des foins. Ces contraintes ont conduit Sumitomo Forestry à une stratégie d’investissement dans des boisement ailleurs dans le monde, principalement en Asie du Sud, en Océanie et en Amérique du Nord.

Au Chili

Au Chili, la majeure partie de la forêt est tempérée mais la configuration géographique du pays induit d’importantes différences stationnelles du nord au sud et un fort taux d’endémisme. Les plantations forestières s’y sont d’abord largement développées pour lutter contre l’érosion causée par des pratiques agricoles dommageables pour les sols. Les forêts de plantations sont possédées à 60 % par trois grandes entreprises et les principales essences plantées sont le pin radiata et l’eucalyptus. La pâte à papier représente 37 % du volume produit et les sciages 38 %. Les sciages sont issus dans leur quasi-totalité de forêts de plantation. Pour Oscar Larrain, d’InFor, les risques biotiques et abiotiques associés aux plantations forestières chiliennes sont en augmentation et elles sont de moins en moins acceptées par la société. Pour être acceptée, la forêt de plantation doit faire partie d’une mosaïque hétérogène de façon à diminuer son impact visuel et à améliorer sa résilience.


En prenant du recul

Lyndall Bull, de la FAO, apporte une perspective mondiale sur la place des forêts de plantation à l’avenir. Globalement, la surface de forêts à forte biodiversité est en baisse et la demande en produits bois est en augmentation. La déforestation est en baisse mais le reboisement diminue également, induisant un bilan mondial négatif.

A l’avenir, la FAO s’attend à une augmentation de l’utilisation du bois pour l’élaboration de nombreux produits. Ainsi, la part d’utilisation du bois en construction passerait de 5 à 12 % entre 2020 et 2023, et de 8 à 23 % dans les fibres textiles. D’ici 2050, 3 milliards de nouveaux logements seront nécessaires, principalement en Afrique où la population va doubler. On estime que seulement 33 millions d’hectares de plantations à 15 m3/ha/an seraient nécessaires pour satisfaire la demande en bois. Pour rappel, la forêt couvre aujourd’hui environ 4 milliards d’hectares dans le monde. Dans ce contexte, les forêts de plantation semblent indispensables pour assurer un approvisionnement en bois de la filière construction, préférable à des alternatives non renouvelables.

Figure 2 : Sans prendre en compte un potentiel remplacement de certains produits non-renouvelables par des produits issus du bois, la consommation de produits bois augmentera de 37 % d’ici 2050 (FAO – Global Forest Products Model)

Conclusions

On retrouve aujourd’hui certaines similitudes dans les problématiques et les approches des forestiers et transformateurs du monde. Les forestiers doivent faire face à de nouveaux défis liés aux changements globaux en adaptant les sylvicultures et les essences. L’inaction ou l’inadaptation des pratiques amèneraient à des impasses sylvicoles défavorables à la biodiversité et aux besoins humains comprenant les utilisations en construction. L’utilisation de bois en construction augmentera certainement dans le monde en raison des importants besoins en logements et en séquestration de carbone, en réponse aux politiques environnementales des différents pays. Ces politiques induisent également une utilisation de plus en plus importante de bois produit en circuit court. Dans ce contexte, les plantations forestières occuperont une place importante dans les sylvicultures à venir.

L’Institut Européen de la Forêt Cultivée a contribué à cet évènement en finançant la venue d’un doctorant via son fonds de coopération. C’est dans ce cadre que Esteban Torres-Sánchez a présenté son travail de thèse réalisé au CIF Lourizán avec l’Université de Vigo. Celui-ci porte sur l’évaluation de l’ajout de caractères liés à la qualité du bois comme critères de sélection dans le programme de sélection galicien du pin maritime. La sélection génétique a déjà permis d’améliorer la croissance et la rectitude des pins maritimes galiciens et l’amélioration de la qualité du bois pourrait lui assurer certains usages. L’adéquation de plusieurs familles issues de différents parents a été testée sur plusieurs sites galiciens. Les statistiques réalisées à partir des mesures des performances de différentes familles ont montré que le module d’élasticité et la densité pouvaient être améliorés à partir de 5 familles sans dégrader l’accroissement et la rectitude.

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Armand Clopeau (FCBA), Christophe Orazio (IEFC)