Le projet FIRE-RES vise à doter l’UE de la capacité de gérer l’accroissement prévu des incendies de forêt dans un climat plus rude. Il déploiera une série d’actions d’innovation à travers onze Living Labs situés en Europe et au Chili, au cours de la période 2021-2025.
L’un de ces Living Labs est celui des « Landes de Gascogne » en Nouvelle-Aquitaine, un triangle de sols sablonneux, dont 75 % sont boisés, avec 1 million d’hectares de pins. Il est situé dans le Sud-Ouest de la France. Cette zone de sols sableux homogènes et pauvres en nutriments est dominée par des peuplements de pins maritimes principalement associés à des chênes. Le taux de boisement élevé conduit à une forte continuité de la charge combustible du feu dans le paysage. La plupart des forêts sont gérées comme des peuplements réguliers, avec de gros efforts de débroussaillage pour réduire le risque d’incendie et améliorer la productivité. Depuis 1949, un système de prévention extrêmement efficace a été mis en place avec l’inscription obligatoire des propriétaires forestiers dans les associations municipales de prévention des incendies (DFCI : défense des forêts contre les incendies). Ces associations sont chargées de l’installation et de l’entretien des routes forestières, des pare-feux, des ponts et des puits forés. Grâce à ces infrastructures et à l’augmentation des moyens de lutte contre les incendies, le système a bien fonctionné depuis la dernière guerre et il n’y a pas eu de méga-incendies malgré un risque toujours présent (5 000 départs de feu par an en Gironde). Les incendies sont principalement déclenchés par l’activité humaine, la foudre représentant moins de dix pour cent des départs de feu au cours de la dernière décennie.
La saison estivale 2022 a été caractérisée par une période extrêmement longue et sèche (août 2021 à mai 2022 a été la période la plus sèche depuis 1950 – plus sèche que 1976). Les pins ont commencé à perdre leurs aiguilles à partir du mois de juin, créant une litière profonde, et les pompiers ont signalé que des flammes inhabituelles ont démarré à partir de gaz sortant directement des troncs d’arbres. Ensuite, deux incendies se sont déclarés alors que la température de l’air était extrêmement élevée (environ 40° C) et lors d’une journée extrêmement sèche avec une humidité de l’air inférieure à 10% pendant de nombreuses heures, ce qui est extrêmement inhabituel dans cette région en été. En plus de cela, ce temps chaud et sec a duré plus de 8 jours après le 12 juillet en raison de vents légers de nord et/ou d’est qui ont empêché l’arrivée de précipitations avec des orages dans les vents normaux d’ouest qui apportent l’humidité de l’océan. Les deux premiers incendies de forêt avaient été maîtrisés le 20 juillet. Mais l’incendie de Landiras a repris le 9 août à la suite d’une deuxième vague de chaleur et ne s’est terminé que le 12 août.
Les cartes des trois incendies présentés ci-dessous montrent les 27 000 hectares brûlés.
Les incendies de Landiras 1 et de La Teste-de-Buch étaient des incendies simultanés. Celui de La Teste-de-Buch s’est produit dans une zone très touristique et périurbaine avec de grands campings nécessitant l’évacuation de 6 000 touristes et plus de 30 000 habitants, y compris des zones difficiles avec un zoo et des restaurants. Un coupe-feu massif a été mis en place à la limite sud de l’incendie (schéma 4) mais des feux tactiques ont permis de stopper la progression du feu 4 km avant le coupe-feu et de limiter la surface brûlée à 7 000 ha.
L’incendie de Landiras 1 s’est développé dans une zone rurale, dominée par la forêt. De nombreux villages ont dû être évacués (8 000 habitants de Landiras, Budos, Balizac, …) et il a brûlé une superficie de 13800 ha.
Environ 20 km de feux tactiques et 1 km de contre-feux ont été utilisés en juillet sur les deux incendies et ont permis de contrôler la propagation du feu. Environ 1700 pompiers et 6 avions ont été impliqués.
De manière surprenante, le 10 août, le feu de Landiras a été réactivé (Landiras 2) sur un front de 2 km avec une chaleur extrême et a couvert une surface incroyable de 6000 ha en une nuit, nécessitant des ressources massives coordonnées par le SDIS 33 (1 300 pompiers et 100 camions de pompiers) pour l’arrêter avant qu’il ne traverse l’autoroute vers l’Espagne dans l’un des week-ends les plus chargés de l’été. 12 500 personnes ont été évacuées. La superficie totale brûlée par l’incendie de Landiras 2 est de 7 400 ha.
Le mois de septembre restant très chaud, une autre zone de 3 400 ha a été brûlée dans la région de Saumos (Nord-Ouest de Bordeaux) après que le feu se soit déclaré le 12 septembre. 1 800 personnes ont été évacuées et l’incendie a duré 3 jours.
Les incendies qui ont eu lieu en Aquitaine cet été sont le résultat d’un temps très inhabituel, extrêmement sec et chaud, qui pourrait se reproduire plus souvent à l’avenir, ce qui montre que certains changements structurels de la forêt sont nécessaires. Ces méga-incendies attirent plus que d’habitude l’attention et les questions du public sur la gestion du pin maritime en France et devront être pris en compte lors de la planification de la restauration après incendie.
Certaines des tâches prévues par FIRE-RES visent à traiter la structure du paysage, à ajuster l’utilisation des terres pour limiter la continuité de la charge combustible et à tirer parti des infrastructures existantes (par exemple, les routes, les lignes ferroviaires, les lignes électriques, etc.) Ce travail sera possible grâce à l’utilisation des derniers outils de modélisation développés par l’INRAe et des collègues canadiens, qui sont déjà utilisés par les services d’urgence incendie. Ces outils seront également utiles pour améliorer la conception de l’interface forêt/zones urbaines, en renforçant l’importance des règles coupe-feu existantes, et permettront de formuler des recommandations pour la planification urbaine et les régimes d’assurance.
Christophe Orazio, IEFC