Contexte:
L’année 2020 a été marquée par la publication en décembre 2019 du Pacte vert de l’Europe, une nouvelle stratégie de croissance qui vise à transformer l’UE en une société juste et prospère dotée d’une économie moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive, où il n’y a pas d’émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2050 et où la croissance économique est découplée de l’utilisation des ressources fossiles.
Cette transition verte, que nous entreprenons en Europe, ne doit pas seulement être durable sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan économique et social. Une transition verte intelligente et judicieuse doit exploiter la bioéconomie pour améliorer l’environnement, pour améliorer l’économie et pour rendre l’Europe plus sûre et plus autosuffisante. Dans le contexte socio-économique actuel, marqué par la crise climatique, l’ère post-covid et la guerre en Ukraine, entre autres, nous avons besoin d’une Europe plus sûre, plus verte et plus riche.
Il ne fait aucun doute que les forêts jouent un rôle central dans cette transition. Et nous comprenons que les forêts ne sont pas un problème, mais qu’elles représentent une grande opportunité et une solution aux problèmes environnementaux et aux défis auxquels nous sommes confrontés en raison du changement climatique.
En fait, la Commission européenne s’intéresse de plus en plus aux forêts ; ces dernières années, nous avons assisté à une avalanche d’initiatives législatives européennes affectant nos forêts et l’activité du secteur forestier en général.
Le problème est qu’il n’y a pas de vue d’ensemble claire ni de cohérence entre les différentes propositions et qu’en fin de compte, d’une manière ou d’une autre, toutes ces initiatives limitent la gestion et l’utilisation des forêts.
C’est pourquoi nous avons besoin d’une plus grande coopération européenne en matière de foresterie, d’une plus grande coopération entre les États membres et la Commission européenne, et d’un plus grand dialogue entre les organisations, les institutions et les gouvernements ; nous avons besoin d’une stratégie forestière européenne qui prenne en compte toutes les dimensions de la durabilité, et qui tienne bien sûr compte de la rentabilité (coût-efficacité) de la foresterie.
Au Pays Basque, nous sommes convaincus que les différents modes d’application de la sylviculture et de la gestion des zones rurales répondent non seulement aux spécificités des sites de production, mais aussi aux essences à utiliser et aux besoins de notre société. Il est donc souhaitable de pouvoir disposer d’une gamme aussi large que possible : diversifier les modes de gestion pour pouvoir diversifier les écosystèmes et leur offre de services. Une façon ancestrale de développer cette possibilité est la génération d’un paysage en mosaïque, alternant différentes parcelles qui développent chacune une forme de gestion différente.
Pour montrer comment nous le faisons ici, comme un exemple parfaitement valable qui nous permet d’affronter les défis contemporains auxquels nous sommes confrontés au Pays Basque, en tant que pays forestier que nous sommes, l’initiative est née d’organiser un événement forestier international au Pays Basque au cours du premier tiers de 2024, réunissant d’éminents experts forestiers de toute l’Europe, des institutions nationales et européennes, ainsi que des organisations représentant toutes les sphères sociales, économiques et environnementales concernées.
Après l’ouverture de la conférence par le vice-ministre, nous avons commencé la conférence avec une vidéo consultable via le lien suivant, qui montre la réalité forestière au Pays basque et la position du Pays basque par rapport aux forêts, mais qui, comme vous pourrez le constater, est très similaire à beaucoup d’autres régions du sud de l’Europe, et qui explique très bien les défis auxquels nous sommes confrontés et que nous voulions montrer à la Commission européenne.
Après la projection de la vidéo, l’événement s’est articulé autour de trois présentations introductives destinées à alimenter le débat des trois tables rondes.
3 PRÉSENTATIONS INTRODUCTIVES AUX 3 TABLES RONDES
« Les forêts dans un contexte politique mondial » par l’IUFRO : présentation contextualisant le rôle des forêts dans la législation internationale, plus axée sur les conventions internationales et le cadre de l’ONU.
« La vision de l’UE sur les forêts face au changement climatique » par la CE : cette présentation était axée sur le cadre législatif européen et les initiatives législatives qui affectent directement ou indirectement les forêts.
« Comment gouverner les forêts dans l’Union européenne » par l’EFI : présentation expliquant comment la gouvernance forestière se traduit dans la pratique, depuis les institutions qui légifèrent jusqu’aux agents ou acteurs qui doivent mettre en œuvre ces politiques.
PREMIÈRE TABLE RONDE – “Quelles sont les opportunités et les défis qui existent en Europe pour nos forêts et quel modèle forestier voulons-nous en Europe ?”.
La PREMIÈRE TABLE RONDE sur les opportunités et les défis qui existent en Europe pour nos forêts et sur le modèle forestier que nous voulons en Europe, à laquelle ont participé les trois intervenants précédents et un représentant de l’entreprise forestière de l’État de Bavière (BaySF), M. Franz Thoma. s’est davantage concentrée sur l’aspect politique et sur les difficultés qui surgissent lors de la mise en œuvre des différentes politiques dans les différentes réalités forestières, et au cours de laquelle certains des messages à souligner ont été :
– Maintenir un bon dialogue et une bonne coordination entre les différents acteurs et institutions est apparu comme une nécessité et c’est un point sur lequel le représentant de la Commission européenne a beaucoup insisté : il a confirmé que nous devons continuer à nous adresser à la Commission européenne pour expliquer notre réalité avec des questions bien travaillées, avec des données et des preuves scientifiques, en montrant les bonnes pratiques et aussi ce qui ne fonctionne pas parce que nous apprenons beaucoup de cela. Il est aussi apparu qu’il est nécessaire de baser ce dialogue sur des messages clairs, simples et très concis ; et nous devons faire de même avec les gouvernements nationaux ou régionaux ainsi qu’avec les eurodéputés.
– Les participants de la table ronde relèvent aussi un décalage entre l’ambition politique des propositions législatives qui sont faites et la possibilité de leur mise en œuvre sur le terrain. La diversité des forêts que nous avons en Europe doit être prise en compte : « Il n’y a pas de solution unique.
– Le dernier point ayant fait consensus est que de laisser la forêt sans gestion n’est pas une option, et encore moins dans ce contexte de changement climatique. Nous devons agir, les propriétaires forestiers doivent faire partie de la solution et non du problème. Nous avons besoin d’une gestion forestière ACTIVE. L’USSE doit se battre pour que les personnes qui veulent continuer à être dans la forêt et à gérer les forêts, nous devrions essayer de ne pas perdre notre attractivité, nous manquons de jeunes travailleurs qualifiés aux postes de directeurs pourquoi seraient-ils motivés pour faire cela si l’avenir est flou et qu’ils ne savent pas à quoi s’attendre ?
DEUXIÈME TABLE – “Comment aligner les différentes politiques touchant les forêts européennes avec la recherche et l’innovation et leur mise en œuvre sur le terrain face à la crise climatique ?”.
Le deuxième panel a discuté de la manière d’aligner les différentes politiques affectant les forêts européennes avec la recherche et l’innovation et leur mise en œuvre sur le terrain face à la crise climatique.
– Il existe un fossé entre la recherche et sa traduction sur le terrain: le principal défi consiste à prendre toutes les bonnes données scientifiques et informations existantes et à voir comment nous pouvons les transformer en politique ou en action.
– La recherche doit fournir des informations claires et précises afin que les décideurs politiques disposent de bases claires sur lesquelles fonder leurs décisions pour développer différents cadres politiques et financiers. Les systèmes de prise de décision en matière de foresterie doivent être bien structurés et bien informés.
– L’accent a été mis sur la nécessité d’un alignement public-privé dans le secteur forestier en ce qui concerne (i) le financement, (ii) la gestion et (iii) la collaboration.
– Il est nécessaire de renforcer le dialogue et les alliances entre les différents agents et acteurs (forestiers, économistes, biologistes, secteur public-privé, etc.), d’approfondir les relations humaines et de créer un climat de confiance, afin de prendre des décisions plus rapides et de meilleure qualité dans le but de protéger nos forêts.
– Un équilibre doit être recherché dans la dynamique des trois piliers de la durabilité: environnemental, social et économique.
Le dernier point de consensus de la table ronde est en ligne avec la précédente et argumente pour une GESTION ACTIVE DES FORÊTS : tout ce que nous ne gérons pas sera géré par les parasites et les maladies ou par les incendies de forêt !!!!
TROISIÈME TABLE RONDE – “La perception sociale des forêts européennes et la nécessité de combiner différents modèles de gestion pour des forêts résilientes qui fournissent des biens et des services à la société ».
La dernière table ronde a traité de la perception sociale des forêts européennes et de la nécessité de combiner différents modèles de gestion pour obtenir des forêts résilientes qui fournissent des biens et des services à la société.
En général, la société a une MAUVAISE IMAGE du secteur forestier :
– Importance de la sensibilisation et de la communication: le secteur forestier n’a pas été en mesure de faire une bonne communication et a manqué de narration. Aujourd’hui, la bioéconomie nous a fourni ce récit et c’est également le bon moment en raison de la question de l’engagement en faveur de la décarbonisation de l’économie. Nous avons beaucoup plus d’éléments positifs à communiquer que d’éléments négatifs.
– Le principal problème que nous avons rencontré est que le produit se vend très bien, la société l’achète comme une alternative à d’autres produits beaucoup plus polluants, mais jusqu’à présent nous avons été incapables de relier le produit final à la gestion forestière, au début ou à l’origine du produit (l’arbre).
– La difficulté de renverser cette situation et de communiquer nos messages a été discutée :
o Nécessité d’éduquer dès le plus jeune âge.
o Nécessité de briser les faux mythes et stéréotypes sur le secteur forestier.
o Nécessité d’avoir des experts en communication, d’utiliser les médias sociaux et de donner de bons exemples lors de la communication. Et même profiter des bons communicateurs qui n’ont rien à voir avec le secteur forestier mais qui y croient (cuisiniers…etc).
o La nécessité de travailler en réseau et de créer des alliances avec le plus grand nombre d’agents possible.
– En ce qui concerne les biens et services écosystémiques. Il a été mentionné qu’il ne fait aucun doute que la sylviculture et les forêts fournissent un large éventail de services écosystémiques (bois, biodiversité, séquestration du CO2, services récréatifs et de loisirs, paysage, etc.). Le problème est que certains de ces SE ont un marché, c’est-à-dire qu’ils peuvent être évalués monétairement, mais beaucoup d’autres ont une valeur mais pas de marché ce qui génère des distorsions entre les services.
En résumé et en conclusion :
- Nous devons réunir les décideurs politiques et les agents ou acteurs qui mettent en œuvre et/ou exécutent ces politiques, afin d’établir un dialogue ouvert sur les questions qui nous concernent, nous, les différents acteurs qui composent le secteur forestier. Nous appartenons tous à la même famille et nous sommes liés : de l’UE et son administration aux décideurs à différents niveaux, en passant par les praticiens sur le terrain, dans les forêts.
- Nous avons une grande diversité de forêts en Europe. La réalité et la spécificité de chaque territoire, région ou pays doivent être prises en compte. Nous ne pouvons pas légiférer de la même manière pour toutes les forêts européennes.
- Nous devons continuer à travailler avec un dialogue ouvert, positif et constructif pour défendre nos forêts. Le secteur forestier a une grande opportunité à saisir !
Leire Salaberria, Directrice générale, USSE