Conférences :
Gestion durable des forêts et risque climatique



Gestion durable des forêts et risque climatique : introduction

Jean-Michel Carnus,

INRA Centre de Bordeaux-Aquitaine

Directeur Unité de Recherche Forestière, BP 45 Pierroton

33611 Cestas Gazinet Cedex

Mots clés : gestion durable des forêts, indicateurs, monitoring environnemental, zone atelier, risque climatique

Gestion durable des forêts

De tout temps, les gestionnaires forestiers ont souhaité disposer d'informations précises et en temps réel sur l'état de leurs forêts, sur la croissance des peuplements, sur les paramètres physiques des milieux et de l'environnement, sur la santé, la vitalité et la diversité des forêts, sur les facteurs socio-économiques de la filière, etc. . Ces informations traduites sous forme de données quantitatives ou qualitatives permettent d'une part une surveillance en continue et un diagnostic des forêts, et d'autre part permettent de détecter des tendances d'évolution et de faire des prédictions par le biais de modèles calés et validés grâce aux données recueillies. Cette préoccupation de " monitoring " des forêts est d'autant plus justifiée et prégnante aujourd'hui que : (i) les enjeux environnementaux prennent de plus en plus d'importance à la fois au plan mondial (conférence de Rio 1992) et au plan local à l'image des questionnements actuels sur les liens entre changements climatiques et risques liés aux tempêtes qui peuvent affecter largement la durabilité des écosystèmes forestiers ; et (ii) la demande socio-économique est forte en matière de développement durable, les Etats s'étant engagés dans des processus divers visant au renforcement de la gestion durable des forêts. Pour ce qui concerne l'Europe, les conférences ministérielles d'Helsinki (1995) et de Lisbonne (1998) ont engagé les pays membres de l'UE à gérer leurs forêts durablement sur la base de critères (6) et d'indicateurs (27) qui ont fait l'objet d'une évaluation régionale pour ce qui concerne le massif des Landes de Gascogne (1999).

Observatoire des forêts d'Aquitaine

Ce bilan régional a fait apparaître qu'un grand nombre de données scientifiques sur le fonctionnement des forêts existent à l'heure actuelle dans le cadre de réseaux nationaux ou européens. Ces données demandent à être valorisées ou complétées pour avoir une bonne représentativité à l'échelle régionale ; d'autres données existent dans le cadre de structure nationale ou sont disséminées auprès d'organismes divers. Enfin pour certains critères ou indicateurs, les réseaux de mesures et les données sont insuffisants ou inexistants. Afin d'être en mesure d'établir des diagnostics fiables et complets sur l'état des forêts d'Aquitaine et de faire des prédictions sur leur évolution, il a été décidé de créer une structure de réflexion et de coordination dénommée " Observatoire des Forêts d'Aquitaine " : Cet Observatoire dont la création est en cours (groupement d'Intérêt Scientifique regroupant huit organismes de recherche et organismes techniques) permettra une coopération renforcée entre les partenaires impliqués et la définition d'un cadre à moyen terme pour le recueil et la mise en commun des données. Cette coopération s'appuiera notamment sur une mise en commun de moyens dans le cadre de zones ateliers regroupant à des échelles pertinentes (bassins versants et paysages) des sites ateliers instrumentés où s'effectue le suivi d'un certain nombre de paramètres. Un tel projet de zones ateliers permettant le suivi des écosystèmes forestiers et la validation d'indicateurs de gestion durable des forêts est actuellement en cours d'élaboration par l'Institut Européen de la Forêt Cultivée (IEFC) dans le cadre d'une approche interrégionale et d'un réseau à l'échelle sud-ouest européen.

Gestion et risque climatique

S'il en était besoin, les tempêtes de décembre 1999 ont rappelé à tous que le risque climatique est l'un des risques essentiels en matière forestière, et qu'il convient d'intégrer pleinement le risque tempête dans les préoccupations de gestion durable des forêts : Ce risque s'analyse en terme d'aléa climatique d'une part (probabilité d'occurrence centennale ou millénaire ou …) et de sensibilité des peuplements au vent d'autre part, le risque étant le produit de ces deux termes. L'intégration du risque dans la gestion forestière est à faire à différentes échelles spatiales (arbres, peuplements , paysage et aménagement de l'espace rural) et temporelles (occurrence, répartition du risque dans le temps et système d'assurance) : Le questionnement " post-tempêtes " s'apparente de près à une problématique de type "gestion des risques " qui a fait l'objet de journées d'études INRA (3–4 mai 2000). Au cours de ces journées, a été souligné l'intérêt d'approches multidisciplinaires en matière d'analyse de risques, de raisonnement économique en avenir incertain, de système de partage des risques, et surtout du recueil coordonné des observations post-tempête en s'appuyant sur l'Observatoire des Forêts et sur les dispositifs de recherche-expérimentation existants en Aquitaine qui permettront de tirer le maximum d'information et d'enseignements en vue de la reconstitution des forêts.

 

Durabilité et gestion des risques dans les forêts de plantation de Nouvelle-Zélande

Paul Mc Farlane

Portfolio Manager, Sustainability and Risk,

New Zealand Forest Research Institute.

e-mail: paul.mcfarlane[at]forestresearch.co.nz

Contexte

En 1998, la Nouvelle Zélande avait une superficie de plantations forestières de 1,73 millions d'hectares couvrant approximativement 6 % du territoire. La récolte annuelle de bois était de 16,6 millions d'hectares, dont 16,5 provenant de forêts plantées. La forêt naturelle indigène couvre 24 % du territoire et ne produit que 100000 m3/an, ce chiffre allant en diminuant compte- tenu de la législation en vigueur qui impose l'arrêt des coupes en forêts naturelles publiques dans un objectif de conservation. Depuis le début des années 1980, il y a eu un accroissement significatif des superficies forestières en plantations, et sur la base de rotations de 25 à 28 ans, il est prévu que le volume annuel récolté atteigne 50 millions de m3 en 2030. Le pin radiata est l'essence principale (90 % des superficies), avec plus récemment le développement des plantations de sapin Douglas (5% superficie) et de feuillus (eucalyptus 3 %) .

Critères et indicateurs

Niveau national

La Nouvelle-Zélande a signé la déclaration de Santiago en 1995 et est devenue l'un des 10 pays à l'origine du processus de Montréal pour la conservation et la gestion durable des forêts e boréales et tempérées. Les autres pays à l'origine du processus de Montréal étant l'Argentine, l'Australie, le Canada, le Chili, la Chine, le Japon, la République de Corée, le Mexique, la Fédération de Russie, l'Uruguay et les USA. Ensemble, ces pays représentent plus de 90% des forêts boréales et tempérées mondiales. Le processus de Montréal a développé 7 critères et 67 indicateurs pour l'évaluation du caractère durable des forêts à l'échelle nationale. Actuellement, chaque pays mesure les indicateurs afin de disposer de rapports d'évaluation complets en 2003. La Nouvelle-Zélande rapporte séparément pour ses forêts de plantations et pour ses forêts naturelles. Une évaluation intermédiaire a montré que nous avons des mesures fiables pour 30 indicateurs, que nous devons améliorer les méthodes d'évaluation pour 21 indicateurs et que 16 indicateurs peuvent difficilement être évalués dans le long terme.

Certification de la gestion durable

Comme la plupart des forêts de plantation sont privées, l'application la plus pertinente des critères et indicateurs se fait à l'échelle de l'unité de gestion. L'association des propriétaires forestiers privées de Nouvelle-Zélande ("NZ Forest Owners Association") a d'une part développé des principes et des recommandations pour la gestion durable des forêts de plantation, et d'autre part en liaison avec le Conseil des Industries de la filière forêts-bois ("NZ Forest Industries Council"), met en place un système de certification. A ce jour, six compagnies forestières représentant environ 1,6 millions de m3 de bois par an (10% de la récolte) ont mis en place le système ISO 14001. L'objectif principal de ce système de gestion environnementale est d'améliorer les performances environnementales des compagnies et de satisfaire les contraintes réglementaires. Par ailleurs six scieries (représentant 1,5 % du e volume annuel récolté) sont certifiées FSC, et trois compagnies forestières importantes sont en cours de certification FSC.

Gestion des risques

La forêt néo-zélandaise est soumise à de nombreux risques géologiques, climatiques, biologiques. La présentation est ciblée sur le risque associé au vent compte tenu du contexte actuel en France. En Nouvelle-Zélande, les dégâts associés au vent varient énormément depuis des dommages individuels sur les arbres jusqu'à des chablis de superficie importante. A l'échelle d'une rotation de pin radiata (28 ans), le vent détruit environ 12 % de la superficie plantée. En moyenne, ce risque représente 2,7 % de la récolte annuelle. Ce niveau est du même ordre que ce qui a été mesuré sur le long terme aux USA, Canada et Australie, mais en dessous du niveau de risque atteint au Royaume Uni. En France, les tempêtes de décembre 1999 représenteraient environ 3 fois la récolte annuelle. Au-delà des dégâts importants (chablis), des vents, moins violents peuvent également affecter la qualité du bois et l'architecture des arbres (perte partielle de houppiers, formation de poches de résine, déformation de la bille de pied, accroissement de bois de compression..). Les recommandations suivantes sont appliquées en Nouvelle-Zélande pour limiter les risques dus au vent:

Une meilleure compréhension des changements climatiques aidera à la gestion des risques et à la te réduction des effets liés aux vents.

Variations naturelles ou anthropiques du climat.

Hervé Le Treut,

Directeur de Recherche CNRS,

Laboratoire de Météorologie Dynamique,

Université Paris 6 et Ecole Normale Supérieure,

letreut[AT]lmd.jussieu.fr.

Au cours des dernières décennies la composition chimique de l'atmosphère a connu une évolution qui est sans précédent pour l'ensemble de la période Quaternaire : le contenu en CO2, qui avait oscillé entre 180 et 280 ppm (parties par millions) au cours des oscillations glaciaires/interglaciaires est monté à une valeur de plus de 360 ppm, le méthane a plus que triplé, des gaz nouveaux (CFC, oxydes d'azote) ont fait leur apparition.
On peut désormais associer de manière très probable le léger réchauffement en cours (0.6 à 0.9 degrés depuis le début du siècle selon la référence) à cette croissance des gaz à effet de serre. Pour autant le risque climatique est essentiellement un risque futur : on attend l'équivalent d'un doublement du CO2 atmosphérique pour le milieu du siècle prochain, avec pour conséquences une augmentation de la température de 1 à 3 degrés, et un relèvement du niveau des mers de plusieurs dizaines de centimètres. Ces évolutions moyennes s'accompagnent selon les prévisions des modèles de variations régionales très fortes : réchauffement plus fort aux hautes latitudes, variations du cycle hydrologique plus marquées dans les régions équatoriales et subtropicales. Il est très difficile, pour des raisons qui tiennent à la fois à la jeunesse des modèles de climat et à la complexité du système climatique lui-même, d'aller très en avant dans une prévision précise de ces conséquences régionales, et moins encore pour des événements statistiquement très rares, comme la grande tempête de décembre. Cependant les indices dont nous disposons indiquent pour nos régions une tendance à la croissance de la phase positive de l'indice d'oscillation Nord-Atlantique, indice qui décrit la force relative de l'anticyclone des Açores et de la dépression d'Islande, et qui s'accompagnerait aussi plutôt d'une augmentation des tempêtes sur nos régions.
Mais, dans tous les cas, considérer le climat comme une donnée stable à l'échelle de plusieurs décennies est désormais une attitude déraisonnable.

Accidents climatiques et risques phytosanitaires

Hervé Jactel

Laboratoire d'entomologie forestière

INRA – Pierroton BP 45, 33611 CESTAS GAZINET CEDEX

Jactel[AT]pierroton.inra.fr

On observe une recrudescence des attaques de maladies et de ravageurs après les accidents climatiques : ceux-ci sont des facteurs aggravants et des facteurs prédisposants.
Facteur prédisposant pour : Facteur aggravant pour :

Des mesures de contrôle doivent être mises en place :

RECONSTITUTION ET PREVENTION DES RISQUES CLIMATIQUES

Loïc Crémière

AFOCEL, Station Sud-Ouest, Directeur
Domaine de Sivaillan Les Lamberts

sudouest@afocel.fr

On peut identifier trois risques climatiques majeurs pour le pin maritime :

1. LA SECHERESSE

Récemment (1976-1989), et dans le futur, un réchauffement progressif de l'atmosphère (+0,6°C sur quelques décennies).
La sécheresse provoque un ralentissement de la croissance pouvant aller jusqu'à l'affaiblissement des arbres et le développement du risque sanitaire : la prévention de ce risque est difficile. Le contrôle de la végétation accompagnatrice peut permet d'éviter le ralentissement de la croissance liée à une sécheresse momentanée. Les phénomènes prolongés, liés au réchauffement de l'atmosphère, font plus appel à la notion d'adaptation et d'évolution des espèces, à de nouvelles conditions de milieu, sur lequel le sylviculteur a aujourd'hui peu de prise.

2. LE FROID

Récemment (1956-1985-1997)
Il se traduit par la destruction du cambium qui peut entraîner la mort de l'arbre. La prévention de ce risque est possible partiellement grâce au choix de races de pin maritime adaptées (expérience des pins ibériques – 1985) voire par la prise en compte de la résistance au froid comme critère de sélection (variété landaise ou Landes x Corse). La sylviculture peut également améliorer la résistance au froid, en particulier grâce à la fertilisation phosphatée.

3. LE VENT

Récemment (1996-1999).
Il se traduit par des chablis/volés partiels ou détruisant des peuplements entiers. La prévention n'est possible que partiellement. Elle dépend bien sûr de la force du vent.
Sur le plan génétique, les premières observations montrent la possibilité d'identifier et donc d'éliminer les familles sensibles au vent (GIS pin maritime du futur).
Sur le plan sylvicole, un travail commun d'analyse des dégâts de la tempête va être réalisé par les membres du GIS Coopérative de Données (AFOCEL-CPFA-INRA-ONF). On peut d'ores et déjà identifier quatre facteurs qui paraissent importants, l'assainissement, la qualité dus système racinaire, la gestion de la fertilisation et la conduite des éclaircies.

CONCLUSION

Pour ces trois risques majeurs, l'analyse rétrospective montre que le massif landais est soumis à des calamités climatiques environ tous les 10 ans. Ce simple rappel montre qu'il faut agir à deux niveaux :

Quelques références bibliographiques :